Archives mensuelles : janvier 2014

Digression sur Fehu

Avant toute entrée en matière, je voudrais souligner le fait que cet article n’a rien pour le justifier ni le valider. Je revendique d’ailleurs le fait qu’il soit issu de mes propres réflexions, sans méthode de recherche quelconque, sans forcément de bases solides et avérées et qu’il est même possible qu’il apparaisse loufoque à certains. Il a été écrit pour ce qu’il est, une digression à partir de la rune Fehu.

Fehu est la première rune du futhark, pour laquelle on peut trouver la traduction restrictive suivante : « bétail ».  A l’origine, Hoárr s’est sacrifié (ben oui) pour les obtenir, et elles sont le symbole, entre autres choses, de la connaissance et de la magie. Je reste assez étonné qu’en ayant à l’esprit la légende et l’association rune=simple mot, ça ne défrise personne de réduire une rune à un vocable.

Je souhaite plutôt me baser sur l’hypothèse qu’une rune est un concept, et bien plus.

On trouve également le mot « wealth » pour parler de Fehu, ce qu’on pourrait traduire par « opulence », « richesse » ou « fortune ».

J’ai deux choses à juxtaposer à cela :

– la strophe 76 du Hávamál, « Deyr fé, deyja frændr, …« , où il m’apparaît évident, sans pour autant avoir de preuve, que « fé » correspond à la rune Fehu.

– la description de la rune Fehu dans le livre Odin’s Gateways de Katie Gerrard, où il est écrit que Fehu ne représente pas seulement les aspects matériels mais aussi les objectifs, les projets, etc.

La traduction de la strophe 76 se voit souvent comme ça : « meurent les biens, meurent les parents, … ». J’ai volontairement omis les traductions littérales « meurt le bétail… ». Le matérialisme derrière cette traduction me gêne ; notre langage (et de ce fait la traduction), le met en lumière : nous appelons les objets matériels en notre possession des « biens ». Cela sous entend qu’il est bon pour une personne de posséder des objets en abondance, et mauvais de ne rien posséder du tout de matériel. Pour moi c’est du lourd, et c’est dramatique comme considération, surtout extrapolé à l’échelle humaine. Il y a derrière très légèrement le sous-entendu que la vie d’un être humain est évaluée en fonction de ses possessions, que plus il est « riche » et mieux c’est. Pour une population qui s’enorgueillit de ses valeurs et de son éthique, permettez-moi de penser que ça pèche un peu.

En prenant en compte le fait que cela concerne également nos projets, nos objectifs, le sens est conservé : nos projets et nos objectifs meurrent avec nous. De fait, nos possessions meurrent aussi mais en tant que « propriété ». Même s’il était coutume de tuer le cheval du défunt (au hasard mort de Balder), les autres choses peuvent rester « en vie » mais elles ne nous appartiennent plus.

La traduction de « deyja frændr » ne me satisfait pas non plus. Un détail : « deyja » est la forme infinitive du verbe « mourir », dont la forme conjuguée est « deyr ». Resonts butés jusqu’au bout : si la tournure, comme je le pense, est volontaire, on devrait dire quelque chose du genre « meurt la fortune, mourir parents » (frændr est une forme plurielle). Il reste logique de penser que nous mourrrons en laissant derrière nous nos objectifs, nos projets, notre progéniture, bref tout ce que nous avons « engendré ».

La suite, « deyr sjalfr it sama », peut dans la foulée signifier la réciproque : nous sommes les produits de quelque chose, liés à d’autres et ces derniers nous perdent.

Que le reste parle de la réputation (et là encore je suis moyennement satisfait), exprimerait le fait que ce dont on se souvient et ce qu’on raconte sur nous après notre mort est tout ce qui subsiste, mais au sens large. Je m’explique : l’objet qui n’appartient plus à personne conserve une « empreinte » lorsque nous disons ou pensons « c’était l’objet de ».  Les actions passées, les défauts, les qualités, tout ce qui se rapportait à nous subsiste par les mots. C’est la pensée et la mémoire qui conservent la trace de notre vie ainsi que leur transmission. C’était à l’époque la fonction de la poésie, la tâche des skaldes, et dans une certaine mesure, c’est toujours vrai.

Après tout ça, l’association « Fehu=bétail » ou « Fehu=fortune » est dénuée d’intérêt. Ma conviction est qu’un mot  ne peut pas traduire une rune, et que pour les comprendre, il faudrait aller au-delà des mots. C’est à mon sens ce qui fait leur puissance.

Fehu est « riche » en elle-même et complexe. Hélas, il semble impossible, de part sa dimension, de l’exprimer de manière satisfaisante. Et pourtant, il est facile, je trouve, d’en percevoir l’étendue et de comprendre, même vaguement, tout ce qu’elle évoque.


[Projet Phagos] Herbstleyd

« Wenn ich danach nach draußen ging, war das Licht genau richtig.
Goldner Herbst.
Ich konnte es immer spüren, jedes Jahr ist da diese kalte, scharfe Klarheit in der Luft, dieses Licht, diese Farben.
Als ob die Erde uns mitteilt, dass der Sommer vorbei ist und zwar unwiederbringlich.
Der Winter kommt und du kannst nichts dagegen unternehmen.
Viele Menschen sagen sie verlieben sich immer im Frühling.
Ich aber nicht !
Ich verliebe mich immer im Herbst.
Diese Zeit ist so unglaublich…hoffnungslos.
Und ich sehe sie nie wieder.
Aber selbst wenn der Feind jeden Menschen auf der Erde tötet, den Herbst wird es immer geben. »

Nargaroth : Herbstleyd